Silence:Bruit Conversations

En avril 2008, Céline Boucher était en résidence de création au Can Serrat International Art Center près de Barcelone en Espagne suivi d'un séjour à Marseille pour participer à un laboratoire vocal. C'est pendant ce séjour que s'est développé ce projet de collaboration avec Nicolas Gerber. C'est lors d'un de leurs longs échanges que Nicolas lui a fait part d'une expérience qu'il avait réalisée. Pendant toute une longue journée, il a déambulé silencieusement dans une ville et accueilli les sons de la vie autour de lui. À la fin de son parcours, c'est par une intervention sonore qu'il a partagé son carnet de voyage. C'est alors qu'ils ont commencé à discuter sur ce qu'elle entendait dans une ville et ils trouvaient intéressant, pertinent et instructif de vivre ce projet à deux. Lui, l'artiste entendant et elle, l'artiste malentendante tous les deux sensibles aux bruits et aux sons et travaillant à partir de ce riche matériau.

TABLE VIDEO

CB: si on met un papier
NG : on laisse tout…
non non
c'est pas grave
si on met un papier
oui
il est là on arrive le papier est là
un papier?
on est pas obligé de s'en servir
un?
un
un?
on est pas obligé de s'en servir tout de suite
non
il est là
non
et à un moment donné il y a un moment
oui
où c'est le papier qui prend le dessus
oui oui
mais on aura pas le gout d'en commencer un autre tout de suite
non ah non non ça suffit
ça fait que ffft… ça va par terre… là…

TITRE : SILENCE ET BRUIT - LA RENCONTRE

NG : d'accord
CB : la table est vide
oui
il se passe quelque chose
ok…
on sait pas
oui on sait pas
il se passe quelque chose

PHOTOS

PERFORMANCE MARSEILLE - BANCS PUBLICS

CB : la beauté des sons vient de leur contraste
NG : pour moi le contraste est lié à la lumière, je cherche un équivalent par rapport au son, on parle de pression acoustique et le contraste serait peut-être une décompression acoustique, c'est le fait ne pas rajouter de l'air mais de redécouvrir l'air enlevé qui est déjà là
j'ai pensé à ça quand on est sorti du parc et que nous sommes descendu dans le métro et j'ai pris conscience à ce moment là, dans le parc c'était calme, il y avait les enfants, les chats et les pigeons, et nous sommes arrivés dans le métro et là le son il est puissant et c'est là que j'ai réalisé que si j'avais pas été dans le parc avant j'aurais pas pris conscience et ça m'a suivi toute la journée, dans l'église
je viens d'un pays, c'est la suisse, dans les alpes on fait du jodel, je ne suis pas chanteur et je ne sais pas faire du jodel mais ce que je sais c'est qu'il s'agit de faire un travail vocal qui part du ventre jusqu'à la tête et vice versa et ce qui intéressant ce n'est pas l'un ou l'autre c'est ce passage (la gorge) de l'un à l'autre
oui, il y a des voix de poitrine et des voix de tête
ah oui ça je sais (rire)
oui mais pour moi c'est nouveau, je pensais que si je voulais aller haut il fallait pousser mais ce n'est pas ça, c'est juste une question d'air
j'insiste sur le contraste et de sa mécanique, quand on a pris le métro on a descendu les escaliers mécaniques et mécaniquement comment on arrive à passer d'un état à l'autre et revenir, revenir, descendre, remonter, redescendre
c'est une pratique
ce passage
c'est un tube, il faut que tu pousses l'air
tube
tube
tube
tube
tube
tube
tube
tube
tube
pas un tube, pas un tube
tube
un tube
tube
ça passe dans le tube
c'est difficile de parler français après tout ça
du son

SON

tu te rappeles quand je te disais qu'ici les ambulances c'est joyeux
oui
on était pas trop d'accord parce que pour toi le son d'une ambulance te fait penser à un danger et pour moi au contraire c'est pour aller sauver des gens, qu'ils peuvent encore sauver quelqu'un, sauver mais aussi de se dire qu'il y a encore des sons qui ont une autotrité, l'autorité de l'état, qui peuvent répondre, être responsable d'une situation
qui est responsable?
l'état, d'être responsable, d'avoir une autorité
c'est une question de perception
tu crois?
oui, quand on entend…quand on entend l'ambulance ou le son ça m'a étonné quand on a dit ça parce que je te disais c'est joyeux on a pas l'impression qu'il s'en va sur un lieu de crime ou un accident ou une personne est en défaillance avec le pipompipompipom…
parce que chez vous c'est…
ben oui
c'est…
wwwwwwwhhhhhhhhiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii!!!!!!! (grosse saturation)

rire du public

NG : ah oui
CB : tow stwick…
what?
j'passe
j'poass?
j'passe
ça veut dire quoi j'poasse
je passe (accent français)
ah…

rire du public

NG : : j'passe
CB : j'passe mais c'est ça ici c'est comme pipompipom ça m'facine
mais en fait c'est une question de traffic parce qu'à marseille il reste dans les bouchons et donc il sont arrêtés au même endroit tandis que chez vouus c'est très large
oui
donc ça passe partout
4 voies
oui
4 voies
et c'est…
au milieu 4 voies 4 voies sur les côtés
et c'est ça tandis que nous ça reste toujours au même endroit
oui
mais…aujourd'hui on a entendu une ambulance…mais loin
c'est quoi tu dis?
(rire) je disais
j'ai pas entendu pas une question d'accent c'est que j'ai pas entendu l'accent c'est parce que j'ai pas entendu
ah bon?
t'endends tu?
t'entends pas? hun? j'entends pas, moi…qu'est-ce-que tu veux me dire?
entends tu? non… c'est qu'est ce que tu disais?
je sais plus… ah oui tu m'as dit aujourd'hui on n'a pas entendu de son d'ambulance
oui, on l'a entendu mais très très…
c'est moi qui l'ai entendu
tu me l'as dit
toi tu ne l'as pas entendu
non
non, c'est ça…
mais peut-être un petit danger
un danger, un petit?
non c'est toi
un petit, petite ambulance, petit danger
mais on était loin
oui c'est ça exactement mais c'est vraiment une question de perception…est ce que c'est culturel? (rire) ou c'est individuel?
la perception,
oui! de notre rapport à l'ambulance par exemple (rire)
ah…pour revenir à l'ambulance…c'est quoi tu disais? (rire)
c'est…
t'entends tu?
c'est culturel…
écoutes tu?…non, ce que je voulais dire c'est que…
c'est personnel ou culturel?
oui je me demande si c'est culturel ou une perception individuelle de notre rapport par exemple à l'ambulance, c'est que moi…
oui je pense
…je vois le danger au bout probablement parce que mon passé sonore lié à l'ambulance c'est toujours vers un danger…jamais avec la notion de sauver quelqu'un…
chez nous, chez moi on a des traineaux pour sauver les gens, c'est un peu idiot mais je n'ai pas du tout d'histoire par rapport à l'ambulance, histoire, sonore on va dire, avec l'ambulance, enfin j'en ai eu mais beaucoup plus tard
tu veux dire c'est quand tu vivais dans ton village?
oui on a des traineaux et un hélicoptère, mais il n'y a pas de sirène sur l'hélicoptère, tu vois ça fait déjà assez de bruit comme ça mais c'est que… moi je n'ai pas d'histoire personnelle avec l'ambulance, sonore on va dire, donc je pense que c'est à la fois culturel et, c'est les deux, comme la perception, mais parce qu'on en parle aussi, donc si on en parle on essaye de se poser la question pourquoi on en parle, déjà
oui
et pourquoi, quand tu est arrivée à marseille, c'est le premier son qui nous a fait parler du son
oui
donc c'est évident que c'est symbolique, on va dire
oui exactement
donc c'est lié à notre histoire
oui
et pas à celle des autres
et ce qui est intéressant c'est que c'est le son qui m'intéresse, je m'aperçois quand j'arrive dans une ville, c'est avec le son que je prends contact avec la ville, la façon que le gens crient ou la façon que les enfants s'amusent, quand une ville est ennuyante c'est parce qu'il n'y a pas de son
ça existe pas
ben je veux dire oui ça existe, il y a des villes ennuyantes où tout est… les dortoirs américains bien barrés, il ya des villes aux états-unis, c'est un cadenas, c'est très tranquille
oui mais je suis sûr qu'il y a le tsstsstsstsstsstsstsstsstss… pour le gazon, tu vois, je suis sûr qu'il y a plein de son, peu importe où tu es, il ya toujours du son
oui mais parce qu'il y a des sons que moi je n'entends pas
ahh…
tu vois ce tsstsstsstsstsstsstss, c'est parce que tu me le dis
je peux te dire une chose, on a pas parlé depuis huit heures, il y a une chose qui m'a touché dans ta manière de percevoir le son, ça pour moi c'est très fort, quand tu entends pas un son tu te rapproches
oui, pour l'entendre
pour l'entendre, mais ce geste pour moi, il est très fort, je ne sais pas, je n'arrive pas encore à l'expliquer, mais tu vois c'est tout une, c'est un geste, et pour moi c'est là où on peut sortir du son et parler du geste, de dire que ce geste, il ouvre, il ouvre vers quelque chose et, il ya eu un moment comme ça, on faisait des petites choses, tu entendais pas ce que je faisais alors tu as mis l'oreille comme ça et tout d'un coup je me suis dis "tiens il y a un geste qui va vers quelque chose" et c'est ce que nous on n'apprend pas, souvent on n'ose pas faire ce geste
on laisse passer
on laisse passer, donc on dit "on n'entend pas" tu vois on n'écoute pas on n'entend pas, mais comme toi tu… c'est un peu sérieux mais…
oui mais non
j'avais besoin de le dire, moi j'ai l'impression, c'est d'ailleurs pourquoi on est là, si on fait ce geste vers le son qu'on ne perçoit pas mais on va chercher à créer un geste pour essayer de le percevoir c'est peut-être là où on peut commencer à démultiplier, un seul geste peut devenir des multiples gestes,
oui
il y a un coup, les choses se mettent en branle
mais tu crois pas que c'est une question de perception encore, c'est parce que toi tu es interessé au son que tu es sensible au geste
je ne suis pas interessé au son, c'est un prétexte, il faut cadrer, donc on dit c'est le son, c'est bien, on cadre, pourquoi le son d'ailleurs?
pourquoi le son?
oui
quel son?
tu dis que je suis interessé par le son…
c'est la vie
donc voilà, c'est pas le son
où il n'y a pas de son il n'y a pas de vie
où il n'y a pas de son il n'y a pas de vie?
il me semble…le seul endroit où j'ai vraiment vécu sans son hors mon état, de surditude, c'est un mot que j'ai inventé, il n'existe pas mais j'aime bien, de surditude
surditude
de la surditude
sur
sur di tude
solitude
ça existe pas
oui
je vais demander un brevet au petit robert, j'ai perdu mon idée
tu disais qu'il y avait un endroit
oui, je suis allé dans une université et je suis allé dans une chambre, insonorisée (anécoïde)
oui
et je n'ai pas aimer l'effet c'est pour ça que je te parle de ça, j'ai trouvé ça atroce comme sensation, c'était mort, c'était une grande pièce, ils avaient mis des planches de bois, un peu comme dans une salle de concert et c'était pour étudier le son
étudier le son ou t'étudier toi?
pardon?
on voulait t'étudier?
non non j'ai visité par intérêt
ok
par intérêt de recherche
c'est une salle, ah oui parce qu'on cherche (rire)
recherche avec le son, je voulais savoir ce que c'était sans son

passage muet

ng : et c'est pour ça que je te dis, est ce qu'on voulait t'étudier parce que j'avais le plus grand plaisir d'être là à entendre toute cette ab-surdité qui sortait dans le couloir et qui se mélangeait, ça devenait quelque chose de…
le couloir du son (rire)
oui incroyable et celles qui étaient dedans elles souffraient terriblement parce qu'elles sont comme dans une espèce de cage, j'ai beaucoup travaillé sur le mètre, je ne voudrais pas m'étendre mais je voudrais juste le contourner, quand en 1983 on a créé un vide sonore, de nouveau on revient au vide, on a mis un atome de krypton (Kr) dedans et on l'a jeté…
où tu l'as pris ton atome?
moi je ne l'ai pas pris, ce sont des gens qui l'on fait
ok, ça a l'air de quoi?
hein?
ça a l'air de quoi ton atome?
ah, je ne sais pas…non mais il faut juste passer par là même si… cet atome à parcouru en une seconde une distance
ok
et cette distance c'est notre mètre, tu vois le mètre, c'est notre mètre aujourd'hui, peut-être qu'ils on fait quelques changements mais on reste à peu près dans ces choses là mais c'est drôle parce que tu dis s"sans son il n'y a pas de vie", dans le vide il n'y a pas de son
c'est quoi le vide?
le vide c'est quand tu enlèves l'air (rire)
il n'y a pas de son dans le vide donc ce n'est pas intéressant peut-être
non
pas intéressant, vive le son, VIVE LE BRUIT!
OUI!
OUI!
je mets un disque?
oui
d'accords…

SON

NG : tu peux me dire ce que tu entends par contraste?

CB : nous communiquons comme des sourds-muets (avec les gestes)

Chanson

NOIR

VERANDA CHEZ VÉRONIQUE - INTERLUDE

NG : timespace (murmuré)
CB : j'ai réalisé beaucoup plus tard, après que je t'ai rencontré, ton nom de famille : Gerber (prononcé jerbère), c'est comme ça que tu le prononces?
non, Gerber (prononcé guerbère)
guerbère, quand j'étais enfant il y avait les petits pots, chez nous on disait les petits pots Jerbère et j'avais pas fait le lien
ça rien à voir mais c'est la même famille, enfin c'est une (nom) famille très courante en suisse, mais en fait ça vient de gerber (prononcé jerbé) en français, empiler, tu empiles le foin, tack tack (to stack), ça peut être aussi Gerber (proncé guerbère) en allemand, ça vient de l'allemand, qui est le tanneur, celui qui travaille le cuir
ah ok
Gerber c'est le métier de tanneur, la tannerie, l'odeur de l'ammoniaque, ça vient de là
et toi quelle association tu y fais?
il y a Gerber (prononcé jerbé) aussi, mais oui, il y en a trois, c'est ça que j'aime bien dans ce mot, trois significations culturelles, éthymologiques, comme boucher, boucher, quand tu bouches
et le boucher
une bouchée, la bouche
bouche bouchée
c'est intéressant comme mots, très simples
j'ai une très grande amie qui a le même nom que moi, ça a favorisé notre amitié, ça lui fait toujours drôle de voir mon nom et moi parce qu'elle a un courriel, c'est mon nom
mais pas céline?
si, céline boucher, le nom complet
ah oui…
et on s'est connues à l'université et le prof avait distribué une feuille où tout le monde écrivait son nom et lorsqu'elle est venue pour écrire son nom j'avais écris le mien juste avant et elle a dit "c'est qui qui a écrit mon nom?" c'est quoi ton nom? et elle a dit "céline boucher" ben j'ai dis c'est mon nom , on commençait le cours universitaire donc on a passé 3 ans ensemble
incroyable

TITRE : SILENCE ET BRUIT - CE QUI NOUS LIE LES UNS AUX AUTRES

JARDIN CHEZ VÉRONIQUE

NG : oui la répétition
CB : l'atmosphère, l'affirmation du vivant, la répétition
elle passe par… j'ai beaucoup travaillé sur le corps au travail ces dernier temps
le corps au travail?
oui le rapport au corps dans le travail et souvent j'ai observé une idée de répétition dans l'acte du travail parce que sans se rendre compte, pour arriver à un objet, une production on passe par une répétition de gestes et dans le son quand tu me parles d'atmosphère c'est comme si à un moment donné on passe par cette répétition mais cette répétion devient autre chose qu'une…
répétition
oui, comment expliquer ça, ce n'est plus de l'ordre de l'entendement…comme on dit " ah il répète toujours la même chose" non, à un moment donné la répétition devient une seule…
entité…
oui et la répétition des oiseaux…
nous transporte dans une atmosphère
parce qu'ils sont plusieurs à répéter ensemble, donc ce qu'il les lient c'est aussi cette répétition, c'est par cette répétition que nous pouvons le percevoir comme un ensemble
et même si c'était le même son qui se répète…c'est pas la multiplicité des répétition qui donne plus de sens c'est le fait qu'il y a une réference, c'est la réference aussi, en fait pour moi la réference c'est d'être ici
…la réference…l'image est une réference alors, pour le son
l'image sonore?
non, tu dis que c'est le fait d'être ici, c'est une réference pour pouvoir entendre…
…?
imagine tu es au canada en hivers et tu entends ce son d'oiseaux (jardin de véronique à Genève)
oui, ça me ramène ici
ça te ramenerais ici
oui je retrouverais la chaleur, je retrouverais la sensation, je me rappelerais de la discussion, oui, oui, c'est vrai l'image…l'image ramène le son
alors pourquoi comme les odeurs, on n'arrive pas à décrire le son, est-ce-que c'est parce que nous avons un blocage, déterminé…
je crois pas nicolas, rappelle toi, supposons que tu vas dans un endroit et que tu as une odeur qui va te ramener dans un souvenir, l'odeur peux te ramener, comme chacun des sens…
oui mais je vais la décrire par des images, je ne vais pas la décrire par le son ou par l'odeur
par l'odeur?
je vais la décrire par une image de ce que j'ai senti à un moment donné ou ce que j'ai entendu à un moment donné dans un lieu, ou je suis un scientifique et je parles de Herz mais bon ça ne veut rien dire, ou bien je vais dire c'était dans le jardin de véronique, on a entendu des oiseaux, l'ambiance était, comme ça…ça me fait penser au jardin de ma grand-mère, à zürich
oui? dans son jardin il y avait des oiseaux aussi?
oui, et l'odeur! et on est en suisse, l'odeur et les oiseaux me rappelle le jardin de ma grand-mère, mais il était pas aussi beau, aussi grand, il était beaucoup plus petit, tout petit mais c'est fou, c'est une atmosphère comme tu dis
on revient au 1er mot que j'ai écrit tantôt : atmosphère
toi ça te ramène à quelque chose?
j'étais justement en train d'y réflechir, j'ai aucune réference, j'ai pas ce souvenir de jardin, mais si par exemple je vais ailleurs en europe et si il y a un type de jardin comme celui-çi alors je vais avoir une réference mais par chez moi je n'en ai pas parce que ce n'est pas les même oiseaux, pas le même type d'environnement, par contre quand je suis allé en bretagne j'ai retrouvé la gaspésie, j'avais les odeurs, la mer, le bruit de la mer, la bretagne la normandie c'est plus près de chez moi, il y a une réference avec la mer mais ici là non, c'est nouveau, c'est une création nouvelle d'atmosphère qui va vraiment être liée à ici
est-ce-qu'on pourrait associer la création nouvelle de l'écoute comme tu dis si bien à un objet?
de ce qu'on entend là?
est-ce-qu'on pourrait l'associer à un objet ou à une envie, un chocolat par exemple, un objet de réference
on sait que pour nous là signifie çela
oui un objet portable, ou le fait que tu entends ça pour la 1ère fois tu voudrais l'associer à quelque chose que tu mangerais pour la 1ère fois? je ne sais pas…
ce qui me vient à l'esprit c'est un objet d'enfant
voilà
oui, le jouet d'un enfant avec du son, du son avec du vert V.E.R.T., un jouet doux avec du son, pas un jouet d'agression, un jouet de son lié à la douceur parce que là on est bien, il fait doux, le soleil… j'aime ça cette piste là, j'aime la piste qu'on est en train de prendre
un objet est entouré d'autres objets donc si on les collectionne, qu'il y ait des objets ou non peu importe, cet objet là je le sens parmi les objets mais je le vois aussi seul à un endroit, il n'est pas obligé d'être avec les autres ou alors avec une idée de souffle, c'est à dire à un de nous deux, l'unique chose qui pourrait le transformer c'est le vent, le mouvement, le fait que là les oiseaux se sont calmés parce qu'il y a du vent et hop ils se remettent à chanter, donc c'est un objet circulaire, pas violent mais qui a son espace
c'est drôle en disant ça le vent s'installe, il n'y avait pas de vent tantôt
tu as parlé de souffle et il y a du vent
les lieux sont éphémères, ils bougent, ils se transforment, on est parti d'une situation, les oiseaux et là c'est le vent, c'est incroyable, on pourrait parler toute la vie de cet espace sonore, ne jamais s'arrêter
je m'aperçois depuis qu'on travaille ensemble sur ce projet, je ne sais pas si c'est pareil pour toi, par rapport à l'écoute, il m'arrive souvent de dire au gens "écoutes" et là ils sont comme surpris, on va souvent dire "regardes" ou " tu as vu" mais "écoutes"… et j'ai acheté un magazine hier avant de partir du quebec, j'ai fouillé dans les trucs d'aéroport avec des magazines et je suis tombée sur une revue scientifique sur l'effet néfaste du bruit, le bruit c'est mauvais, il y a des associations pour contrer le bruit, c'est surprenant de voir des gens qui sont malades à cause du bruit, c'est assez particulier que je tombe sur cette revue là avant de partir parce qu'en fait moi je fais plutôt l'éloge du bruit
il est comment le son quand tu ouvres le magazine? tu entends le son du magazine?
oui, ça fait un son aigû, c'est un son qui craque
les gens parlent et théorisent sur le son mais ils oublient que ça va être publié dans un livre ou une revue et que les lecteurs auront un rapport intime avec les pages, souvent on théorise mais on oublie la simplicité du geste
et on tombe dans la répétition, le magazine qui s'imprime, la répétition de milliers de magazines
plutôt que de dire "le son est dangereux", tu disais que dans la famille de ton tchum (mec), ils ne se battent pas contre la nature c'est un peu la même chose avec le son, évidemment le son est dangereux, ce n'est pas vraiment une question de danger c'est plus comment l'un est sensible ou veut être sensible, d'avoir besoin de réference pour réagir contre, on pourrait tout aussi bien dire qu'un son qu'on n'entend pas est très dangereux, comme le son de l'imprimerie où le magazine a été imprimé, même si je ne suis pas là, je touche le cahier et je me dis "il est dangereux le son pour les gens qui travaillent dans l'usine!" plutôt que de dire "là il y a un son qui me dérange", d'avoir un lien plus étendu par rapport au son
dans l'article ils disent qu'il y a des gens qui devenaient malade à cause du son, stressés à cause du son, j'aurais tendance à dire "tu es agressé par le son parce que tu es stressé", "parce que tu ne vas pas bien", "ta capacité d'absorber le bruit est amoindrie par ta faiblesse", une personne qui est bien ne dira pas "c'est bruyant", mais quelqu'un qui est stressé, fatigué va moins pouvoir absorber
oui, les pores, tu sais je jouais de la contrebasse et donc je conaissais deux types de contrebasse, celle avec un dos arrondi et l'autre avec un dos plat, celle avec le dos plat répercute le son très fortement, le son rentre dans la caisse et est renvoyé de manière agressive vers l'extérieure, c'est très efficace pour avoir du volume, par contre celle avec le dos arrondi absorbe le son, il tourne à l'intérieur de la caisse…
plus fluide
oui plus fluide, c'est intéressant par rapport au corps, un corps stressé répercute le son, il n'absorbe pas, il est imperméable, il ne veut pas écouter, il ferme avant même d'absorber
dans les exercices martiaux (taï-chi) tu deviens beaucoup plus fort lorsque tu absorbes l'énergie de l'autre, tu l'ajoutes à la tienne et lorsqu'elle ressort elle est doublée, tu deviens beaucoup plus puissant, tu as amplifié ton énergie
on rejoint la répétition
oui!
comme la discussion là, c'est à dire tu parles, je parle, tu parles…et au fur et à mesure…souvent dans l'art ou la musique on cherche à multiplier les voix parce qu'on a peur de la répétition, en multipliant ces voix on pense représenter l'image d'une puissance, comme celle de l'orchestre et en même temps je pense que tu la perds, le son doit toujours être en déplacement, c'est bizarre, l'image est une unité et le son est toujours ce va-et-vient entre ceux qui créent l'unité, ce va-et-vient est le principe de répétition, de l'un à l'autre etc…comment ça rentre et ça sort…
il y a construction, une construction de la pensée, d'échange
physique

NOIR

VÉRANDA CHEZ VÉRONIQUE

NG : …mais
CB : c'est cette idée de la déambulation que ce n'est pas une idée, pour le plaisir, on marche pas pour le trip de marcher pendant une journée, c'est qu'il y a une cueillette et en plus de la cueillette il y a un aspect introspection, l'introspectif en commun qui est intéressant avec la déambulation
la caméra est comme le bloc-note, le cahier de note, d'utiliser la caméra pour noter le lieu, que ce soit dans le visuel pour situer et dans le son pour donner l'espace, d'accumuler ces lieux, ces espaces que l'on rencontre, après il faut voir si ce n'est pas trop un cadre, une projection où les gens sont happés par le film, ce qui me plaisait dans le dispositif de la table c'est que c'était nous qui faisions vivre le cadre, tandis que si on projète des images de la déambulation contre le mur il y aura toujours ce problème d'attirance de l'œil vers l'image et j'ai peur que les gens décrochent de nos présences
parce que le mouvement…
c'est un mouvement de montage de lieux donc il faudrait trouver un moyen…
la répétition, plus il y a répétition il y a deux aboutissements, celui de la trance et celui de l'ennui, avec la répétition, si les images sont données à voir, elles sont séduisantes donc l'œil va être capté alors que si ce sont des images de pieds qui marchent et de non-cadre, il n'y a pas de séduction visuelle, probablement qu'au début leur regard sera porté vers l'image mais le son, ce qui est important dans notre projet c'est l'option sonore qui est offerte alors que là il y a un support visuel qui n'est pas forcément connecté avec ce qu'on va dire mais si il est non-seducteur ça va seulement enrichir, si on voit des pieds marcher, ça fait visualiser la déambulation sans réference
est-ce-que ça ne va pas trop influencer notre déambulation le fait de savoir qu'il y a une caméra qui doit filmer
je ne pense pas, si je prends l'exemple de la dernière fois avec la photo, c'était des moments inspirés, ou si on trouve des objets, tu te rappelles à marseille on avait trouvé une chaine avec la poubelle, ça peut à la fois completer ce qu'on est en train de dire ou être sans sens, juste là, tout dépend de la façon dont tu filmes, tout dépend du moment que tu filmes
je peux te lire quelque chose qui m'avait beaucoup marqué par rapport à l'enregistrement, c'est une citation de jacques lacan dans l'anti-œdipe de deleuze et guattari où il dit : "un jour nous apportons notre magnétophone dans le cabinet du psychanaliste, stop, intrusion d'une machine désirante et tout est renversé, nous avons brisé le contrat, nous n'avons pas été fidèle au grand principe de l'exclusion du tiers, nous avons introduit le tiers, la machine désirante en personne", voilà, comment on peut introduire la captation, comment introduire la caméra dans notre déambulation sans briser le rituel de déambulation que nouus avons décider d'engager, pas de manière secrète mais à l'abris du public, tu comprends?
très bien
c'est intéressant avec la fille (dorothé thébert) qui peut faire les photos de notre déambulation car c'est à quel point nous allons être sollicité par quelque chose d'extérieur qui va s'introduire
c'est pourquoi je lui ai dit de pas nous dire, on ne la verra pas, elle va être très discrète, je suis d'accord avec ce que tu dis mais dans le fond c'est de montrer nos pieds qui marchent
c'est assez ordinaire
que dis tu si on nous filme de face et on projète, une double projection de nous, le réel et la projection
pendant la performance? mais on est face à face donc comment on ferait?
on est face à face, la caméra est là et elle nous filme et il y a une projection sur le mur derrière nous
la même chose doublée?
au lieu d'être sur le dessus c'est comme ça
comme les extraits de la performance qui avaient été filmés à marseille? juste derrière?
je ne sais pas, le double, quand on a écrit le projet pour VIVA (montreal) tu voulais mentionner que tu t'inrrogeais sur l'apport de la vidéo dans le projet, comment la vidéo peut construire, compléter, à marseille c'était intéressant sur le dessus mais j'aurais l'impression de retomber dans la reproduction de quelque chose qui a déjà été fait
je comprends très bien
est-ce-que c'est niaiseux d'imaginer qu'on a une table de verre et que la caméra est en-dessous, c'est niaiseux?
j'aime bien aussi, on pourrait écrire à l'envers, ce qui me plait dans le en-dessous, en-dessus, peut-être moins dans ce que les gens voient (face) c'est le rapport sculpturel, de prendre cette discussion comme une sculpture, une sculptuure éphémère qui est la performance, là où nous ne sommes pas des plasticiens, toi plus que moi peut-être, je ne suis pas très intéressé par le plastique, l'esthétique
l'esthétique…
mais de questionner la forme esthétiquement, de prélever l'esthétique de la forme, garder la perception des formes, une sculpture tu la vois sous tout ses angles, là ou là, d'autres choses apparaissent dedans, on retombe dans le sonore ou le temporel… par exemple (duchamp) si je fais comme ça, tu vois juste la tranche, tu ne vois pas que ça bouge et si je fais comme ça tu vois, ç'est en même temps du son et de la scultpure, trouver un placement de la vidéo déplacé par rapoort à ce que les gens voient pour leur donner un contrepoint, on peut jouer avec, elle sert de prothèse, un prolongement de l'espace… ce qui est bien dans ce que tu dis, si c'est contre le mur, on est assis là et c'est là, je pourrais aller dessiner sur l'écran, sur toi, écrire des choses, ça devient une sorte de cartographie qu'on aurait ramener dans l'espace, de ce qu'on a dans la tête
ce qui est interessant avec la vidéo c'est que tu as le sonore et le visuel, pour moi la vidéo n'est pas facile d'accès, à cause du son, si il y a une voix off
comme là
oui comme ça, je ne pourrais pas écouter ça par après, nous oui parce que je suis témoin de la captation
oui c'est intéressant par rapport à ce contexte parce que si tu vois l'image tu te rappelle de la discussion que nous avons eu, c'est cette part de secret qui est là
si ce sont des gens qui ont fait ça alors là je suis vraiment hors du sujet, c'est comme quand je vais au cinéma et qu'il y a une voix off
notre documentation est écrite et vidéographique comme nous avions fait au début
des premiers échanges
de dialogues, si une personne ne comprend pas un plan (vidéo), elle peut toujours consulter l'autre plan (l'écriture), l'arrière-plan, celà complexifie les pistes
ça enrichie, est-ce que tu croirais important…
comment?
est-ce-que tu crois…
je ne crois pas…
que ça pourrait être intéressant pour toi que je sois dans le silence, de vivre l'expérience d'accompagnement dans la déambulation
c'est une question d'énergie, si on parle pendant la déambulation, si on est comme maintenant, dans une réflexion, alors quand on arrive, on sera beaucoup moins dans la parole, on aura déjà échanger par rapport à ce qu'on entend donc il se passera autre chose
tu parles de quand on sera en performance devant le public ou lorsqu'on sera tous les deux
si on parle pendant la déambulation alors quand on arrive devant le public on aura plus besoin de parler parce qu'il y aura une fatigue mentale
et qu'est ce qui peut arriver selon toi?
qu'est ce qui va arriver?
peut-être seulement des mots, des atmosphères, des sensations, des souvenirs, des images, des sons…moins de discussion
je voudrais éviter d'être dans la représentation de ce que nous avons vécu…? ce qui est intéressant dans le fait d'être dans le silence pendant la déambulation, c'est que quand tu vas te mettre à parler, je vais découvrir ta voix, donc tout d'un coup il y a cette apparition magique de la voix avec qui tu a passé 8 heures, tu de dis "ah! elle parle!"
on peut faire l'expérience 1 heure, ça dure plus ou ça dure moins mais on peut l'expérimenter parce qu'il y a plein de son dont tu vas pouvoir témoigner que je ne pourrais pas
après, pendant?
pendant et après, des choses que je n'entendrai pas
j'ai l'impression que c'est surtout toi qui parlais de son, j'étais beaucoup moins dans le résumé des sons qu'on avait entendu, je ne sais pas si tu souviens?
j'étais plus sensible aux sons?
tu racontais plus les sons qu'on avait entendu
oui
j'étais plus dans le fait de répondre à ce qui me venait dans le moment
ça va justement enrichir notre recherche si j'enlève mes appareils et que je suis dans le silence, rajouter quelque chose de nouveau qu'on a pas fait la dernière fois
tu voudrais enlever les appareils pendant la déambulation?
oui
tu vas probablement avoir des observations nouvelles, je vais devenir beaucoup plus craintive, beaucoup plus dépendante de toi, pour la route, la rue, je vais chercher d'où vient le son
ça me fait penser à la danse, quand il y a deux corps, l'un se laisse emmener par l'autre mais l'autre le tient dans une juste distance, il y a une unité dans l'écart, c'est de l'ordre du double
ça nous ramenerait à notre point de départ réel qui est la malentendance et l'entendance et je me souviens quand on a fait le projet à marseille, il y a quelqu'un qui est venu et m'a dit "ma curiosité n'a pas été assouvie" …on est resté plus dans l'ordre du culturel moins dans l'ordre du senti, oui le senti mais influencé par le culturel, moins par l'humain, par l'organique
l'organique est très abstrait par rapport à ce qu'on peut partager, je ne crois pas que c'est l'organique qui nous lie, pour parler de ce qui nous lie les uns aux autres, ce n'est pas l'organique ou le biologique c'est peut-être plus culturel
c'est plus riche, plus diversifié, si on reste plus dans l'organique ou le biologique
on tombe vite dans des affirmations, des croyances, de dire "toi tu entends comme ça et moi j'entends comme ça", on va comparer nos entendances, classifier et rentrer dans des termes scientifiques…
je ne crois pas nous connaissant…ça n'a rien à voir avec le son, ça va tomber d'avantage dans la perception, la proprioception du son, celui qui perd le sens du toucher, comme ma mère elle a 83 ans elle est obligée de marcher avec un déambulateur parce qu'elle ne sent plus le plancher, elle ne sait plus que son pied est déposé au sol, donc c'est la proprioception, même moi c'est comme si j'ai l'oreille plus sonore donc on ne tombe pas dans "moi j'entends moi j'entends pas"
on tombe dans ce qui a été l'élément déclencheur de toute ma démarche à partir de la sourdité, je suis tombée dans un état de vulnérabilité, sociale, je me sentirais extrêmement vulnérable de déambuler seule à genève, sourde

NOIR

PHOTOS

PERFORMANCE GENÈVE - ESPACE FORDE

NG . bon…
CB : genève, genève
genève
beaucoup de choses à genève
beaucoup de question
je ne sais pas, on verra mais j'ai envie de commencer de manière chronologique sans que ça soit fixé, c'est intéressant la chronologie parce qu'elle suit un état d'esprit, elle suit comment on sent, il y avait des moment où…hooo! et des moments plus calme, donc la chronologie, l'écriture, ça s'inscrit bien dans ce qu'on a entendu
le nombre de pas? on a fait combien de pas?
les pas
c'est une petite ville aussi, il y a moins de sensations, c'est moins physique, plus intérieur…tout est ramassé, on va chercher des points, il y a l'eau, ce n'est pas l'eau de marseille, ce n'est pas pareil
pas du tout, ça m'a enmené dans des tas de rythmes beaucoup plus poussés que marseille
on ne va pas parler de marseille…
ce n'est pas du tout pareil, ça crie plus
ça crie plus?
oui
ici?
il y a plus de monde aussi
ici?
il y a plus de monde
ici?
oui
non je ne pense pas
non, le premier contact qu'on a eu avec genève ce matin c'est avec le monsieur dans le tramway, monsieur clown, à la fois ludique et enrichissant sur le plan humain, le monsieur racontait qu'il allait dans une maison de vieux
le clown? je ne m'en souviens pas vraiment, ce qui m'a marqué c'est le vieil homme au café, on s'est assis, il y a cet homme qui s'assoit et il a le pansement sur l'oreille… on peut le montrer, je ne sais pas si ça marche?
et justement quand tu as posé une question au monsieur et j'étais surprise que tu lui pose cette question là
je voulais lui poser la question pourquoi il avait un pansement…non ça ne marche pas… il y a rien à voir
je t'ai trouvé pas mal fantasque, fantassin
pourquoi?
parce que tu lui demande, le monsieur s'assoit près de nous, il a un truc sur l'oreille, tu vois qu'il a l'oreille blessée et puis tu lui demande pourquoi, vraiment et puis je me suis dis que c'est peut-être parce qu'on est dans une démarche sur le son et si tu n'avais pas été dans une démarche sonore est-ce-que tu lui aurais poser la question?
c'est toute la question de la performance, de ne pas être dans le quotidien mais dans le son
donc si tu n'avais pas fait de performance
ben j'aurais bu un café et je serais parti
mais le monsieur a quand même été gentil de pas être insulté
mais il n'était pas insulté, je n'étais pas agressif, je lui ai juste demandé qu'est ce qu'il avait et en fait je voulais savoir si c'était en rapport à l'entendance ou à autre chose, j'étais assez déçu quand il m'a dit qu'il s'était gratté l'oreille et qu'il avait des croûtes, qu'il s'était gratté et qu'on lui avait mis du sparadra
un vieux monsieur qui met un truc sur son oreille et se promène comme ça avec son plaster comme on dit
justement ce que j'ai retenu, c'est la protection, avant de parler de son, j'ai l'impression qu'il y a quelque chose d'intérieur dans cette ville, c'est comme si les sons étaient suggerés, je peux voir un son sans l'entendre, j'ai senti ça aujourd'hui, on peut peut-être parler du jet d'eau
quel jet d'eau?
il y a une telle production de son qui jaillit, des turbines qui produisent de la pression, c'est l'attaque du son et après être arrivé à cette tonalité vraiment haute, 80 mètres en haut, puis voilà il n'y a plus de son, c'est la résonance, on rentre dans autre chose, je suis resté assez longtemps là pour écouter cette résonance, cette masse d'eau qui arrive sur l'eau et je me battais pour essayer d'oublier la production du son pour me concentrer sur cette masse d'eau qui retombe…
le résultat de l'eau qui tombait?
ce n'est pas un résultat le résultat c'est la pression, le phallus, droit, et l'autre partie qui ne fait plus partie de la production
ça ne marche plus
ah
j'ai acheté ça (pendentif en pierre avec une spirale)…quand tu es allé écouté le son du jet d'eau, tu es resté longtemps et tu avais un carton (galerie forde)
ce qui m'a perturbé c'est que tu ne sois pas resté longtemps près du jet d'eau
non, ça ne m'attirais pas, je ne sais pas pourquoi, pendant ce temps là je suis allée auux cignes, tu sais les cignes chez nous on en a pas et puis je me demandais, il y avait les canards, les pigeons, il y avait les cignes, j'entendais les canards, j'entends les pigeons, et comme je n'ai pas de réference culturelle par rapport au chant du cigne, je n'entendais pas les cignes comprends tu?
le chant du cigne?
oui, ça chante comment un cigne? j'essayais d'entendre le cigne, qu'est ce qu'il fait le cigne?
je ne sais pas
tu peux faire le son du cigne
non mais peut-être quelqu'un dans le public?
est-ce-que quelqu'un connait le chant du cigne?

il n'y a pas de son
pas de son? pauvre cigne
j'ai vu des cignes qui étaient partout dans la ville et qui n'ont pas de son, il sont, il SON entourés de gens de langues différentes, ils sont, ils SON
mais ils doivent avoir un chant quand même, je me suis vraiment posée la question que c'est parce qu'il n'y a pas de cignes chez nous, mais, une fois j'étais près de la tamise, je vivais en angleterre près de la tamise et puis je m'en allais en vélo et à un moment donné j'entends un bruit comme tssttssstsss (battements d'aile) je cherchais d'où ça venait et j'ai vu en haut, il y avait un vol de cignes, j'ai trouvé ça tellement majestueux parce que c'est énorme et un vol en V, comme il n'y a pas de réference culturelle pour moi c'est toujours plus impréssionant et là ce qui m'impréssionait le plus c'est quelque chose que je n'avais jamais accès, parce que les cignes étaient très grand et les ailes très grandes, j'entendais le mouvement des ailes
j'ai entendu quand on est allé se baigner aux bains, dans la foule j'ai entendu les ailes d'un cigne qui s'envole, comme les flamands roses, un décollage très très lent
au ras de l'eau, et j'entendais le battement des ailes, à un moment j'ai totalement oublié les enfants qui jouaient, c'est bien là qu'ils étaient les gens aujourd'hui
c'est étonnant de voir les cignes dormir près des gens comme ça, je ne suis pas très familière et en même temps pendant que tu étais au jet d'eau je me suis rapprochée des cignes, près de l'eau et j'ai eu comme des images parce que je viens d'un pays où il y a des goélands, les mouettes
goélands
tu connais ça les goélands?
les gabians
il y en a à marseille
oui les gabians
c'est quoi que tu voulais montrer?
la plage
les cignes venaient vers moi pour manger, ça marche pas dans ma tête parce que c'est trop gracieux pour se comporter comme un goéland, dans ma culture, les cignes sont pour moi quelque chose d'inatteignable, c'est ce que je voyais dans les livres d'enfant et quand je viens ici en europe j'ai dû mal à imaginer qu'ils peuvent se comporter comme un goéland
tu comprends ça?
non je ne sens pas, c'est une ville où je n'arrive pas à sentir l'intérieur, par exemple à marseille les goélands ils mangent les rats, ils sont vraiment violents, ils attaquent les chats, si tu vas sur les iles, ils t'attaquent, ici je n'arrive pas à mettre en lien les pigeons, les cignes avec les goélands
ce sont justement des images, des comportements, ils venaient voir si j'avais quelque chose à leur donner, il y avait aussi ce contraste…
ah contraste…
contraste visuel entre le jet d'eau et les cignes
est-ce -que tu peux me dire pourquoi tu es partie du jet d'eau? au niveau du son?
Ce n'était pas un son… je n'étais pas attiré d'aller proche mais peut-être c'était aussi le vent et le fait d'être mouillée… le son? je voyais que ça tombait sur l'eau mais je voyais pas qu'il pouvait y avoir une différence (céline j'ai vraiment du mal à comprendre ce que tu dis là à cauuse la résonance du lieu, tu pourrais éclaircir ta réponse?)
c'est cet intervalle qui m'intéresse dans le son, dans la déambulation nous ne sommes pas en train de produire du son, nous sommes dans une situation de capteurs de ce qui nous entourent et donc nous ne sommes pas dans une production mais en même temps si nous sommes là ça veut bien dire que nous essayons de produire une trace de ce son, et je trouve ce jet d'eau assez beau pour cette raison, cet intervalle impossible, en observant ce jet d'eau je sentais cet intervalle, ou une espèce de cohabitation de la production et de ce qui est de l'ordre de la perte, cohabitant dans un même espace, c'est assez beau…
est-ce-que tu penses que le son du jet d'eau touche les gens?
on peut pas dire qu'on l'entend, on n'entend pas un son mais on le sent, donc il fait partie d'un tout, de l'humidité quand tu arrives, de la pression, de cette fraicheur, comme une cascade artificielle, à l'envers et en même temps à l'endroit, le flux, les banques, il n'y a plus d'ordre, ça va dans un sens comme dans l'autre, on peut renverser la situation avec cette sculpture en mouvement
peux tu le transposer en son?
avec la voix?
avec ce que tu veux, tu es capable de reproduire ce que tu recevais comme son du jet d'eau?
tu peux me passer le sac plastique

SON

NG : j'ai pas beaucoup de souffle

SON

NG : c'est pas vraiment ça mais bon…où est cachée la violence du son?
CB : ici?
dehors
oui dehors, ici genève!
elle est cachée où cette violence? je me suis dit que peut-être elle était dans les appartements, à l'intérieur, comme il y a beaucoup de vitrines avec des meubles, des lampes, le son est peut-être à l'intérieur des appartements et puis je me suis dis que finalement non, je me pose vraiment la question, ici j'ai ce sentiment que nous sommes dans un espèce de post-modernisme du son - je n'aime pas vraiment ce mot - mais que nous avons plus besoin de la physicalité du son, plus besoin de crier, plus besoin de mettre la musique fort, plus besoin de grosses basses dans les voitures alors comme c'est samedi, peut-être ils sont tous à la plage et que ce n'est pas la bonne heure, je n'ai pas senti que le son dépassait la norme, la réference, comme en musique le 0dB, on se met d'accord sur une dynamique et on ne la dépasse pas, ici je sens qu'on ne la dépasse pas
oui parce que nous sommes à la recherche d'endroits où ça…regarde, la cathédrale, on était béni des dieux, quelle expérience, on a pas pu rentrer dans la cathédrale c'était assez frustrant par contre on était dehors et là les cloches ont commencé, les cloches de la cathédrale… et là on a fait le tour, il y avait les cloches, les cloches, les cloches et quand on est arrivé devant la cathédrale il y avait un paquet de monde qui regardait vers la sortie de la cathédrale et là on voit un mariage, c'est vraiment toujours un moment heureuux, c'est joyeux ces cloches qui font dingabatengabadingabateng, ça là ça été, j'ai trouvé ça, ça m'a rappelé…j'aime pas ça quand tu me filmes
non? ok
met la sur toi, tu as une belle couleur de chemise
hmm…je vais la mettre sur le casque
oui c'est bon…et là je me suis mise à m'interroger, c'est drôle, c'est le son qui m'a amenée vers l'interrogation, ça c'est fascinant parce que je suis tombée dans la réflexion sur des rituels… et souvent les rituels c'est liés au son, les rituels du matin, tu te lève la cafetière, pas uniquement des rituels de religion mais aussi de vie et en même temps je me disais c'était beau et c'était joyeux, les gens étaient tous habillés chic, les demoiselles d'honneur, les petites tâches rouges, là on attend on attend, la mariée elle sort pas, finalement bon, on la voit sortir un peu plus tard mais c'était les cloches c'était proche
oui les cloches
ça allait fort, c'était beau le monde joyeux sortir de là et je m'interrogeais parce que ce rituel là je ne l'ai pas fait, moi me marier avec la robe, les cloches, je ne ai pas fait cette chose là et ça m'a emmené dans mon enfance avec les rituels, comme je viens d'un petit village, l'endroit théatralisé par excellence c'était l'église, autrement il n'y avait qu'une petite place de rien et quand on allait à l'église on avait accès à des rituels et c'était toujours très sonore, je me rappelle c'était des rituels sonores et là je m'interrogeais sur la passation de ces rituels là
passation?
oui passer, passer, j'ai des enfants ils ont pas connus ces rituels là, bon je fréquente pas les églises mais je me disais par quoi ils les remplacent
par quoi ils remplacent les rituels?
oui, je me suis mis à réflechir à ça, le rapport au rituel, le son qui est relié au rituel aussi, c'était vraiment très fort et toujours, toujours, même si je vais pas à l'église si j'ai accès à des trucs comme ça, des funérailles, je suis toujours très émue, émue parce que je suis touchée corporellement, c'est pas quelque chose dans ma tête, c'est physique, c'est vraiment une réaction physique que j'ai et je me suis posée la question que c'est parce que ça me ramène dans l'enfance ou parce que ça faisait des liens avec des rituels d'enfant ou si c'était vraiement le son lui-même, tout seul sans avoir cette préference à l'enfant, c'est des sons qui touchent, toi ça t'as touché?
ça m'a touché parce que j'ai une partie de moi qui est suisse et ça m'a ramené à des rituels d'enfance que j'ai pu connaitre dans la famille, depuis que je suis parti en france je n'ai pas retrouvé cette chose de la même manière, c'est très suisse dans le son, effectivement ça m'a touché, par contre ce sont vraiment les cloches qui m'ont touché, ces sons de cloches très suisses
pourquoi suisse?
parce qu'il y un lien avec le païen dans la mélodie, la tonalité de ces cloches même si il y a du religieux là dedans elles sont très païennes, comme des chansons des montagnes, je n'entend pas des cloches répétitives, j'ai retrouvé cette sonorité là
j'ai senti que ça t'avais touché autant que moi
oui oui
et puis après j'ai mis ce casque (anti-bruit)
qu'est ce que ça faisait d'entendre, de ne pas entendre finalement ou qu'est ce qui se passait dans tes oreilles avec ça puis les cloches?
ça m'a donné la possibilité d'entendre autrement et de pouvoir faire le tri dans l'écoute, et je pouvais enlever les oiseaux, les gens qui parlent, les bruits de tissus, tous les bruits qui sont…
tu n'avais plus ces bruit là
non et j'entendais juste les attaques des cloches et ça m'a fait penser à une pièce (sonore), une pièce de feldman où j'avais des sonorités, des résonances dans un registre assez serré, fréquences médiums et je prenais un grand plaisir, alors à des moment j'ouvrais un petit peu pour laisser rentrer un peu d'air, ouvrir, c'était vraiment un bonheur même si je crois pas au bonheur, je me suis aussi baigné avec et là j'ai failli…il y a encore de l'eau, et j'ai perdu tout l'équilibre
t'as pas eu de plaisir?
j'arrivais plus à respirer sous l'eau, enfin quand je remontais
t'étais sous l'eau avec ça?
oui
c'est drôle parce que moi j'enlève les supports auditifs que j'ai et je vais en desous de l'eau et j'ai l'impression que j'entends, j'entends comme les poissons doivent entendre, comme une espèce de, une vibration, j'ai l'impression que ça amplifie… mais juste avant qu'on continue faut que je te dise quelque chose j'étais crampée de rire parce que t'étais debout à côté des gens chics qui sortaient de l'église avec ce casque (rire), c'était vraiment comique à voir
je pense qu'il faut revisiter, faut toujours tout réinventer, la roue, la vigne, parce qu'on dit toujours la roue existe alors on n'a pas besoin de la réinventer, on s'en sert, de réinventer, de réécouter, réinventer l'écoute, c'est qui permet d'aller nul part parce que tu sais que la roue existe déjà mais c'est l'expérience de cette réinvention qui fait que tu vas peut-être pas fabriquer une roue mais autre chose
mais vois tu comment c'est fort dans le sens que tu t'en foutais de marcher avec ça sur la tête parce qu'on travaille sur le son et que personne nous connait, ça c'est le traumatisme du petit village
chez toi?
quand j'étais plus jeune, adolescente, il fallait se comporter d'une certaine manière dans le village, c'était comique, mon père il me disait "rentres à ni'importe quelle heure mais rentres avant que les voisins te voient" ça voulait dire avant que les voisins ils se lèvent, ça fait que c'était vraiment un traumatisme et dans les villes tu peux te permettre des choses qu'on se permet pas dans des petites communautés parce que tu ne veux pas faire honte à la famille, des choses comme ça…jardin d'enfant
j'étais surprise, ça aussi je m'attendais à avoir des bruits
on était au jardin d'enfant?
en haut du monument, après le monument, de l'installation sonore quil n'y avait pas, on est monté un peu pluus loin et il y avait un jardin d'enfant et on a essayé les instruments, tu te rappelles, les balançoires, toutes ces choses là, j'était étonnée comme c'était silencieux, les balançoires faisait pas - bruit de grincement…
à rimouski les balançoires n'ont pas le même son, parce qu'il y a plus de bois peut-être, là il n'y en avait pas beaucoup, c'est plus souvent en plastique ou en métal sauf les chevaux en bois mais c'est de la bonne qualité donc ça ne fait pas de bruit
tu vois c'est ça qu'il y a ici à genève c'est que je me suis aperçue que des situations sonores me ramenaient beaucoup à des réflexions en rapport avec la culture, une situation culturelle, chez nous à cause de la neige, à cause du froid ouu du gel il y a des bruit beaucoup plus facilement…ça rouille donc ça fait du bruit, ici ça ne rouille peuut-être pas
j'ai amené quelque chose qui est rouillé

SON suivi de Johnny Cash

MUSIQUE de fond et discussion

NG : Céline m'envoie un texte une semaine plus tard…

Silence et Bruit … Une performance péripatétique et sonore à Genève

Une deuxième déambulation tenue dans un état de fragilité. Nous étions en deuil chacun de notre côté. Inutile de nommer les causes. Nous étions surtout dans la gestion de leurs conséquences sur notre fébrilité émotive. Ce projet en commun nous a encore donné l'occasion de cerner ce qui nous lie l'un à l'autre dans cette idée de déambuler dans les villes.

Une deuxième expérience est souvent quelque chose de plus difficile à réaliser surtout quand la première s'est avérée absolument magique. Les attentes se créent dans l'anticipation et la satisfaction de vouloir faire quelque chose de pertinent pour améliorer notre compréhension des sujets qui nous interrogent. Ma seule attente était de revenir au Québec avec le goût de poursuivre encore et encore.

Oui!

Ce qui nous lie l'un à l'autre est cet étrange intérêt pour les sons et les bruits mais surtout sur ce qu'ils nous apportent comme effets sensoriels et terrains d'investigations. Souvent, les bruits sont perçus comme des parasites nuisibles à la santé humaine. Sans ignorer le fait que certains bruits, pas seulement urbains, peuvent devenir source de stress et de malaise, tu te rappelles, on s'interrogeait également sur la capacité d'absorption de ceux qui les entendaient.

Le rythme de vie de la majorité des gens que nous croisons nous ont amené à croire que souvent, même le silence les dérange. En fait, que ce soit le silence ou le bruit, on se disait que les gens qui étaient en mesure d'accéder à un calme intérieur résistaient mieux aux bruits et aux silences. J'ai à l'esprit cet exemple du lendemain de notre déambulation assis tous les deux dans le jardin de Véronique. Nous étions dans le post-projet - et fatigués - où pendant trois jours ont a travaillé intensivement sur cette démarche suivis de la réalisation d'une performance d'une durée de neuf heures consécutives le quatrième jour. Dans le jardin de Véronique, le cinquième jour donc, il y avait encore des chants d'oiseaux. Je t'ai dit que j'aimerais qu'ils se taisent un moment pour entendre un peu de silence alors que quelques jours auparavant j'étais contente d'être constamment entourée de ces chants. L'arroseur arrosé!

Le jardin de Véronique représente l'atmosphère dans laquelle se déroulait la démarche ontologique de notre déambulation.

Cette seconde réalisation s'est avérée hautement plus ontologique et introspective que la première pour moi. Je me suis demandé par après si c'était le rythme de la ville de Genève en comparaison avec celui de Marseille? Le deuil que je vivais? Ou bien si j'étais à la recherche d'une seconde nature à donner à la continuité de ce projet? On s'est entretenu longuement sur la particularité de cette deuxième expérience en duo. Je voulais tout recommencer à neuf. Ne pas refaire la même chose. Livrer mon expérience d'une manière sonore plutôt que verbale. Tu as suggéré que ce projet se devait de rester le même dans son rapport à l'espace. Une table, des micros et de la vidéo comme territoire, comme un signe d'échange entre nous. Tu avais raison! D'autant plus qu'avec la table de Madeleine cet espace confirmait que ce projet prenait son essence dans l'affirmation du vivant. Madeleine reçoit ses amis autour de cette table.

La table n'était pas seulement là en tant qu'objet table mais en tant que Table à Madeleine.

J'avais peur de répéter quelque chose. Tu as également parlé de la puissance d'une répétition. Je suis surprise d'avoir oublié que la répétition fait partie de ma vie. Les gestes que l'on répète au quotidien nous situent et nous ancrent. Les mouvements de tai chi que je répète depuis plus de 25 ans illustrent correctement toute la force que l'on puise dans l'éternel recommencement.

Je sais que je n'aurai pas peur de répéter une troisième expérience de déambulation avec une table, des micros et de la vidéo.

Ils cimentent le projet Silence et Bruit.

Ce que nous faisons en fait c'est un documentaire vivant. Lorsque nous livrons, il n'y a aucun montage ni sélection. On livre tout juste là en vrac ce que l'on ressent suite à ces rencontres urbaines. Tu as si bien dit «On documente une expérience en lien avec le son».

Un monsieur à l'oreille blessé qui nous dit qu'il se gratte trop lorsque tu l'interroges si gentiment. Un chien qui jappe brisant ainsi la monotonie sonore. On s'en réjouit. Un jet d'eau immense qui capte tout ton intérêt de chercheur de son alors que j'essaie de savoir de l'autre côté de la digue, si un cygne ça chante ? Je suis amené à réfléchir sur l'apparence. Les cygnes et les canards sur le lac Léman donnent à voir qu'ils se promènent tout doucement alors que je sais qu'en dessous de l'eau leurs pattes s'agitent frénétiquement. Je pense alors aux gens qui sont autour de moi sont-ils calmes en apparence?

Le chercheur en toi essayait de savoir si le temps des feux de circulation est calculé en fonction du bruit? Est-ce que la minuterie du vert et du rouge exerce une influence sur l'activité des gens? As-tu trouvé finalement?

On s'est promené dans un marché aux puces, aux bruits étrangement feutrés. Je n'avais jamais entendu des puces si silencieuses… Je me suis demandé si c'était dû à l'espace extérieur où se déroulait cette activité? Au caractère des gens qui l'animaient? À ceux qui y déambulaient comme nous? On était silencieux chacun vacant à sa recherche de l'objet invitant ou signifiant. Jamais dans ma vie de nord-américaine, je pourrai en dire autant pour chez-nous où l'on croit qu'en criant plus fort que son voisin de table, on partira plus riche à la fin de sa journée.

Deux chapeaux. Un pendentif avec une spirale. Un protecteur d'oreilles. Un disque country. Trois savons de Marseille.

Un jardin d'enfant juché au-dessus d'un monument intitulé le Mur des Réformateurs. Quel paradoxe. Je souris à l'idée que nous sommes maintenant au XXI ième siècle. Heureux enfants qui peuvent s'en donner à cœur joie dans leur exploration spatiale. On entend toujours la même chose dans ces jardins; le plaisir pur.

Un cadeau inusité nous est tombé dessus. L'envolée des cloches de la Cathédrale pendant de longues minutes. Le temps que les mariés daignent se montrer la robe et la queue de pie sur le parvis. L'émotion du décorum m'émeut et c'est à cause des cloches. Sans le bruit des cloches, je reste neutre. C'est tout à coup mon enfance qui remonte à la surface. Le mariage de mes oncles et la monotonie du village qui était rompue. Les cloches de l'église ont longtemps marqué le rythme quotidien des villages du Québec. C'est un son collectif et presque universel. Je m'interroge sur nos nouveaux rituels sonores.

Le journal télévisé de 22 heures?

Tu nages aux Bains des Paquis. Tu découvres l'absence de sons sous l'eau avec ta nouvelle acquisition, le protecteur d'oreilles. Tu as eu peur. Tu as expérimenté un nouveau silence. Il y a toujours bien ça! Les bruits étouffés t'on fait perdre tes repères. Je pense que tu as tout juste compris comment je me sens parfois.

Les ruptures dans le bruit de fond, c'est ça qui agresse les gens. Moi je me dis : « Tiens voilà un nouveau son ». Je ne reste pas indifférente devant un son qui survient soudainement.

C'est ce qui nous lie l'un à l'autre.

La recherche sonore ne demande pas beaucoup d'équipements. Je garde un souvenir émouvant de ce simple cornet fabriqué avec le carton de Forde avec lequel tu explorais le son à travers la pellicule plastique. On aurait dit de petites gouttelettes qui tombaient doucement sur le lac Léman.

J'y crois dur comme fer.

Céline Boucher

FIN

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une co-production
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johanna schaffter
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Céline Boucher remercie de son soutien
le Conseil des Arts du Canada
pour le projet d'art performance
Silence : Bruit

 
 

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