BROUHAH’ ART AS ART

 

 
TRACK : NOWH ERE IN ART… / Mélodie Dichesne
Plug

Performance présentée pour le festival du « Préavis de Désordre Urbain »,
Organisé par Ornic’Art – Red Plexus. Marseille, Point de Bascule - Septembre 2008.

INTENTIONS :

Des quelques expériences performatives, j’ai pu expérimenter ma pratique dans des espaces institutionnels, culturels, alternatifs, en atelier, ainsi que par le développement de performances contextuelles en espaces urbains.
Je pense avoir une préférence pour les espaces publics ouverts plutôt que fermés. Je trouve également, assez stimulant, l’utilisation de lieux non habilités à recevoir l’Art, par le fait qu’il « ne convoque pas un public » (plus ou moins initié, averti), mais une audience plus informelle, plus ponctuelle, (par exemple : de simples passants), dont l’enjeu est d’éveiller leur attention. De les inviter à participer…
Je crois que l'espace scénique impose une certaine distance avec son public par le spectaculaire de la représentation.

Dans ce contexte, j’avais envie de chercher une autre relation avec l’Autre. Refuser qu’on fasse mon annonce dans la programmation. Ne pas être sur scène. Ne pas incarner un personnage. Expérimenter un rapport de proximité avec les personnes présentes. Être dans la simplicité et susciter une/des rencontres improbables. Convier les gens un moment de partage. Un instant tranquille, enlevé, qui puisse être propice à l’authenticité, l’humilité, la sincérité d’un échange… ?
Être là avec eux. Là pour prendre le temps de les voir. Là pour les observer. Là pour les entendre. Là pour les découvrir et les écouter se livrer. Là pour récolter des bribes de leur parcours, leurs as/ins-pirations, leurs curiosités…
Là pour les rencontrer et les inviter à construire cette performance…
Et « Tâcher de faire leur portrait » … Avec mes pieds.

L’ACTION :
L’action commence, je me fonds parmi les autres : public parmi le public, consommateur parmi les consommateurs. Profitant de la soirée, je vais voir quelques performances. Je rencontre une connaissance que je croise habituellement dans les vernissages. Nous papotons. Je l’invite à boire un verre. Discutant toujours et il me demande si je vais faire une performance ce soir. Je lui réponds que je ne sais pas exactement… Et montant sur le bar, une fois assise, je le regarde et ajoute : … Je vais peut être faire une intervention ponctuelle…
Je croise son regard surpris, un peu gêné et lui demande s’il va bien. Nous parlons, trinquons…
Je sors de mon sac des vernis à ongles et commence à me peindre les orteils. Dessinant des petites figures souriantes, je lui dis : … Celui-là (le gros orteil) il sourit vers toi !
Une personne à côté de nous nous aborde, elle me demande si je fais partie de la programmation…
J’installe une chaise devant le mur blanc. Puis, préparant mon matériel de peinture, j’enfile mes chaussettes aux mains… Je trouve 2 personnes installées sur la chaise qui me demandent ce que je fais… Je leur réponds que j’aimerais qu’ils prennent la corde et les menottes et qu’ils me ligotent les mains. C’est un anglais qui est de passage à Marseille chez son amie. Très délicatement, il m’attache les poignets, me racontant d’où il vient, qu’il est professeur de dessin… etc.… Je lui dis que j’aime dessiner aussi, et leur propose de leur faire le portrait…
Les mains emmitouflées, poings attachés, son amie accepte et sera le premier de la soirée. Je m’installe au sol le carnet devant moi, le reste de mon matériel est « à portée de pieds ».
Elle me raconte qu’elle travaille à Paris dans une association socio-culturelle, qui fait des interventions urbaines. C’est comme ça qu’elle a entendu parler du Point de Bascule et qu’elle est venue ce soir. Dans l’observation du « présent modèle », j’essaie de cerner ses traits à l’encre. Nous prenons mutuellement connaissance, dialoguons de choses et d’autres. D’elle. De moi. De l’art. De la vie… etc.…
Handicapée et dans la non maitrise de mes pieds, un récipient d’encre tombe et répand sur le sol une large tâche noire. Je termine, 25 minutes plus tard. Entre temps les gens regroupés autour de nous, regardent. Je lui présente son portrait réalisé par mes pieds, et lui dit : Je t’invite, à ton tour, à poser « ta patte »… Si tu souhaites écrire, dessiner quelque chose avec tes pieds ou ta bouche…
Le stylo entre ses dents elle signe son nom. La remerciant de m’avoir donné un peu de son temps, je lui demande d’installer son portrait au mur. Simultanément, trempant mes pieds dans l’éclaboussure au sol, j’imprime sur le mur blanc une lettre. Par l’empreinte de mes pieds apparait un N.
J’invite les spectateurs à poursuivre leurs activités, et leur disant que je reste par là, disponible pour ceux qui souhaiteraient leur portrait.

Durant 4h, se sont présentées 8 personnes en tout. Toutes très différentes, une étudiante d’Estonie, une employée de banque, une guadeloupéenne, un performeur/opérateur culturel, une chargée de communication en projets socio-culturels, un technicien du spectacle très dévoué, un curieux de ma démarche, un collègue graphiste…
Des gens de passages, ont « taillé la bavette » avec moi, accompagnant la dilution de cette encre aléatoire, qui une fois sur papier, « tâchait de retranscrire les entités se succédant »…
Encore 4 autres personnes voulaient leur portrait, lorsque la soirée touchait à son terme vers 2h du matin.
Je finis l’action avec une crampe dans les jambes :
Sur le mur les 8 portraits sont accrochés.
Les empreintes de mes pieds sur le mur forment des lettres après chaque portrait… Progressivement des mots… Et la phrase apparait :
NOWH ERE IN ART
Je prends de mes orteils le pinceau, et ajoute :
JUST PUT YOUR FEET & FEED IT !

POST-ACTION :
Derrière chaque portrait, j’ai pris soin de demander l’adresse postale de toutes les personnes dessinées, à qui j’ai envoyé la trace de cette performance – Action / Expériences :
… Une partition collective…

Mélodie Lastri DUCHESNE - 2008
DURÉE : 4h
CONTEXTE : « Le Point de Bascule » : Bar / Espace culturel pluridisciplinaire
MATÉRIEL : Un bar, un espace d’exposition avec un mur blanc, des gens…
+ Une chaise en attente, des carnets de croquis, des encres, des bassines et pots remplis d’eau et d’encres, pinceaux, stylos…
+ Une corde, des menottes…